Les sources utilisées pour la rédaction de cet article sont toujours indiquées dans le texte ou en note de bas de page. Lorsque rien n’est mentionné, les chiffres employés pour les statistiques et graphiques mentionnés sont tirés des chiffres officiels fournis par le conseil d’entreprise (CE) de l’ULB (Conseil d’Entreprise, Informations Annuelles, statistiques concernant le personnel et les étudiants).

Une chute dramatique du taux d’encadrement

Entre 2014 et 2021, le nombre d’étudiant‧es inscrit‧es à l’ULB a bondi de 30%. Sur la même période, l’effectif total du personnel académique et scientifique, compté en équivalent temps plein (ETP), a sensiblement diminué.1 Ceci a engendré une chute dramatique du taux d’encadrement par étudiant‧e: entre 2016 et 2021, ce taux a diminué d’environ 24% pour les corps académique et scientifique et de 15% pour le personnel ATGS (figure 1).2

Figure 1: Evolution relative du taux d’encadrement par étudiant‧e, pour les différents corps entre 2016 et 2021. Le taux d’encadrement est calculé comme le nombre de travailleurs (en ETP) par milliers d’étudiants, pour chaque corps. Pour chaque corps, le nombre de travailleurs comprend le personnel ULB, FNRS et les cadres d’extinction. Le pourcentage d’évolution est ensuite calculé par rapport à la situation en 2016, considérée comme année de référence.

Les conséquences quotidiennes de ce sous-encadrement sont flagrantes: étudiant‧es délaissé‧es et découragé‧es, académiques et scientifiques exténué‧es, secrétariats facultaires et administration centrale au bord de l’asphyxie. Cette baisse continue du cadre est globale à l’échelle de l’université. Dans les facultés les plus sévèrement touchées, la situation est désormais insoutenable et le personnel et les étudiant‧es sont au bord de la rupture. Les mobilisations récentes des étudiant‧es et du personnel de la Faculté des Sciences de la Motricité en sont une illustration.

La hausse des effectifs étudiants était attendue et entièrement prévisible au vu de l’évolution des naissances dans la région de Bruxelles-Capitale depuis la fin des années 90 (figure 2). La réaction des autorités face à cette hausse démographique, pourtant annoncée de longue date, a été l’immobilisme.

Figure 2: Effectifs des 18-25 ans à Bruxelles et projections jusqu’en 2030. Source : Bureau fédéral du Plan (2022)

Le financement augmente pourtant à l’ULB

La politique de non-recrutement actuelle n’est pourtant pas imputable à un manque de moyens: sur la période 2014-2021, l’allocation de fonctionnement versée à l’ULB par la Fédération Wallonie-Bruxelles a augmenté de 17,6%, en tenant compte de la correction due à l’inflation (figure 3). L’allocation de fonctionnement reçue est fonction de la part d’étudiant‧es inscrit‧es à l’ULB sur l’ensemble des étudiant‧es de l’enseignement supérieur en FWB, selon le principe de l’enveloppe fermée3. L’augmentation du pourcentage du nombre total d’étudiant‧es inscrit‧es à l’ULB a ainsi fait gagner des « parts de marché » dans l’enveloppe fermée à l’ULB, ce qui explique l’augmentation du financement4.

Figure 3: Allocation de fonctionnement reçue par l’ULB 2014-2021. IPC signifie « Indice des prix à la consommation »: la ligne en pointillés est le financement reçu par l’ULB, en millions d’euros, après correction due à l’inflation.

L’allocation de fonctionnement entre 2014 et 2021 n’a pas augmenté autant que le nombre d’étudiants (figure 4). Mais elle a tout de même augmenté de 17,6%5, et cet accroissement substantiel de l’allocation n’a engendré aucune augmentation de l’encadrement pédagogique à l’échelle de l’ULB. Ce constat effarant, et incompréhensible au vu de l’explosion des effectifs étudiants, appelle une question naturelle: où sont passées les dizaines de millions d’euros supplémentaires reçus par l’ULB dans les dernières années?

Figure 4: effectifs étudiants à l’ULB en milliers, 2014-2021

Une politique de non-recrutement aux conséquences désastreuses

La décision de ne pas recruter de cadre supplémentaire semble donc résulter d’un choix politique des autorités de l’ULB. Un taux d’encadrement élevé est un gage de qualité, tant au niveau de l’enseignement que de la recherche, et est indispensable au fonctionnement correct de l’Université et au respect de ses trois missions fondamentales. La région de Bruxelles-Capitale est de loin le principal bassin de recrutement de l’ULB. La hausse de la population des 18-25 ans à Bruxelles se poursuivra pendant encore plusieurs années (figure 2) et la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur est amenée à augmenter selon le Bureau fédéral du Plan. Poursuivre la politique actuelle de maintien strict voire de diminution du personnel dans un tel contexte d’augmentation des effectifs étudiants a des conséquences catastrophiques pour tous les acteurs et les actrices de l’Université. Ainsi, les autorités de l’ULB affirment que ni la réussite des étudiant‧es ni la garantie de conditions de travail décentes pour ses employé‧es ne sont leurs priorités.

Face aux conséquences dramatiques de la politique de non-recrutement menée par les autorités de l’ULB sur le bien-être des agent‧es et des étudiant‧es de l’ULB, la CGSP-Enseignement/Recherche exige:

  • une embauche massive et immédiate de personnel statutaire par l’ULB, dans les trois corps du personnel (académique, scientifique et ATGS), pour soulager à court terme le manque criant de cadre ;
  • la mise en place d’une politique ambitieuse d’embauche statutaire à moyen terme à l’ULB pour faire face à la hausse continue des effectifs étudiants ;
  • un refinancement durable de l’enseignement supérieur et de la recherche: abandon du système de financement par enveloppe fermée et de la mise en concurrence des Universités, et financement de chaque université à hauteur de ses besoins.

Syndicalement,

la CGSP Enseignement Recherche

——————————-

  1. Par exemple, les effectifs en ETP du corps académique (professeur‧es), hors cadre d’extinction des facultés d’Architecture et Lettres, Traduction et Communication, ont diminué de 6,5% entre 2014 et 2021. Il s’agit d’une perte de 50,5 ETP entre 2014 et 2021, correspondant à une perte de 141 travailleur‧ses. Les effectifs ETP du corps scientifique (assistant‧es), encore hors facultés d’Architecture et LTC, n’ont eux augmenté que de 0,7%, soit 11,3 ETP. Ces chiffres tiennent bien compte du personnel FNRS définitif à l’ULB. Ces personnels participent aussi à l’enseignement.
  2. Le taux d’encadrement est calculé comme le nombre de travailleur‧ses par millier d’étudiant‧es, pour chaque corps. Il fournit une mesure moyenne de l’encadrement par étudiant‧e. La figure 1 représente l’évolution relative, en prenant 2016 comme année de référence, du taux d’encadrement pour chacun des trois corps. L’année 2016 a été choisie car des statistiques cohérentes et globales à l’échelle de l’Université ne sont pas disponibles avant. Des statistiques du cadre ULB hors cadre d’extinction d’Architecture et Lettres, Traduction et Communication sont en revanche disponibles depuis 2014: la chute du taux d’encadrement observée depuis 2014 est alors encore plus massive (voir note de bas de page précédente).
  3. Rappelons que depuis 1997 les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) sont financées par un système d’enveloppe fermée indexée, dont le montant a été fixé en 1997 et relevé en 2016. Depuis 1997, le montant total de l’enveloppe allouée aux universités de la FWB
    n’augmente ainsi qu’avec l’index et pas avec le nombre total d’étudiant‧es. Chaque université reçoit, de cette enveloppe, un montant fixe (revu tous les 10 ans) et un montant variable, qui est réparti au prorata de la moyenne quadriennale du nombre d’étudiant‧es dans chaque université. Pour une description complète du système de financement nous renvoyons à cette étude de l’Université de Namur (p.11-14).
  4. Comme mentionné dans les informations annuelles du CE de l’ULB de 2020 et 2021: « La croissance du nombre de nos étudiants explique l’évolution favorable de ce subside depuis quelques années » (en parlant de la compensation des droits d’inscription réduits). Rappelons que, dans un système d’enveloppe fermée, il n’y a pas lieu de se réjouir de gagner des parts de marché: il s’agit d’un jeu à somme nulle et l’allocation gagnée par l’ULB est obtenue au détriment d’autres institutions.
  5. En tenant compte de l’inflation