Lettre envoyée à la rectrice le 13 mars 2021

Madame la Rectrice,

Lors de la délégation syndicale du 23 février 2021, les autorités et les représentant·es des travailleurs et des travailleuses ont discuté des modalités d’aides au personnel scientifique en période de crise sanitaire. Nous regrettons une fois encore que vous n’ayez pu être présente tant cette question est importante pour le personnel scientifique, durement éprouvé par la crise que nous traversons. La CGSP Enseignement-recherche tient dès lors à connaître votre position sur un certain nombre de points centraux.

Premièrement, l’aide aux doctorant·es en fin de financement (boursier·es et assistant·es) sera rendue plus aisée en 2021 grâce à une intervention exceptionnelle de 744.000 euros de la Communauté française. Celle-ci dépasse largement les 413.000 euros que l’ULB avait dégagés en 2020 et devrait permettre de répondre à l’ensemble des demandes des doctorant·es. Cependant, deux éléments nous semblent problématiques dans le plan d’aide présenté en délégation syndicale.

Le premier concerne la nature des critères des aides prévues par le Décret. L’enquête menée par les services de l’ULB, durant l’été 2020, a révélé une grande diversité dans les difficultés rencontrées par les doctorant·es en fin de thèse. Les problèmes pouvant être de type technique (absence d’accès au terrain, au laboratoire, à la documentation ou encore un matériel inadapté),de type organisationnel (charges familiales –enfants, proches en mauvaise santé, personnes à charge, multiplication des charges pédagogiques avec l’enseignement en ligne) ou relever de problèmes de santé (physique ou mentale)liés à la surcharge de travail consécutive au travailà distance. Or, nous constatons que le décret n’anticipe que certaines de ces situations(à savoirles missions sur le terrain ou missions internationales annulées, le travail de laboratoire ou collecte de données empêché ou retardé, le baby-sitting des enfants âgés de moins de 12 ans ou encore l’aide apportée dans les hôpitaux ou dans les laboratoires) et que l’ULB envisage de s’y aligner.

Outre l’absence de concertation sociale autour de l’élaboration de ces critères, nous déplorons qu’ils soient aveugles aux situations des enseignant·es, aux problèmes de santé (physique ou mentale) des jeunes chercheuses et chercheurs ou encore aux charges de care dont on sait l’importance en ces temps de pandémie. L’enquête de l’ULB précitée ayant rendu compte de situations appelant une extension desdits critères, nous attendons de notre institution qu’elle réserve des budgets complémentaires permettant de les prendre en compte, et ce à travers de mesures flexibles et adaptées aux situations individuelles.

Au-delà de l’extension des critères d’éligibilité, le second élément que nous considérons problématique concerne la durée des mesures et le type de stabilisation en emploi envisagés. D’une part, nous souhaitons que les fonds soient consacrés à la rémunération des personnels sous forme de salaire et non de bourse, et ce, en raison des droits et avantages sociaux qui sont attachés au statut de salarié par rapport à celui de boursier (en particulier concernant la pension et le chômage)mais également parce que la sécurité sociale est soumise à rude épreuve en cette période. Qu’une université choisisse sciemment d’éluder sa participation à son financement via les cotisations sociales nous apparaît pour le moins malvenu. D’autre part, nous souhaitons que la rémunération soit accordée pour une période pouvant aller jusque6 mois, sur le modèle des aides octroyées aux chercheuses et chercheurs contractuel·les, et non 3 mois, comme le prévoit le Décret.

Une première analyse budgétaire –dont nous serions ravi·es de discuter avec vos équipes –nous permet d’estimer le coût detelles mesures. Si les demandes en 2021 étaient équivalentes à celles exprimées en 2020 (32 personnes en dehors des boursier·es FNRS avec des durées allant de 1 à 6 mois) et en appliquant des salaires selon le barème de l’ULB (510+5, y compris SDPV), le coût total serait de 809.498 euros. La part de ce coût correspondant aux 3 premiers mois finançables via l’enveloppe de la Communauté française s’élèverait à 597.486 euros. Le coût serait donc inférieur à l’enveloppe globale (de 744.000 euros) et, pour le solde, inférieur à l’enveloppe prévue par le Conseil d’administration (413.000 euros). Par ailleurs, comme le précisait la Directrice générale en délégation syndicale, l’ouverture des écoles et des bibliothèques pourrait nous laisser penser que les demandes relatives au deuxième confinement seraient moindres qu’au premier confinement et pourraient dès lors représenter un coût moindre également.

Deuxièmement, si le corps académique bénéficie d’une stabilité d’emploi et que les doctorant·es pourront être soutenu·es, aucune mesure n’a encore été prévue à notre connaissance pour aider les post-doctorant·es, y compris ceux et celles en mobilité internationale (qui bénéficient donc d’une bourse) qui ont pourtant tout autant subi la crise actuelle. L’UCLouvain a pris des mesures pour leur venir en aide et il nous semblerait inimaginable que l’ULB, qui porte avec fierté une réputation d’université progressiste, ne puisse en faire autant.

Vous interveniez dans le presse ce 8 mars pour rappeler les combats essentiels à la cause des femmes que « la crise que nous traversons met en lumière, plus que jamais, en exacerbant les inégalités, en renforçant les déséquilibres, dont ceux de genre». La difficulté des femmes dans la carrière scientifique n’est plus àdiscuter, comme le démontre chaque année le rapport sur l’état de l’égalité de genre de l’ULB ainsi que celui du FNRS, et c’est particulièrement le cas dans les mandats post-doctoraux. Encore une fois, nous ne comprendrions pas que notre institution n’apporte pas une aide à la fois juste pour ces travailleuses et travailleurs et permettant d’éviter que, comme trop souvent, les femmes se trouvent obligées d’abandonner la carrière académique faute de moyens.

Troisièmement et finalement, il nous revient qu’il y aurait une opposition de votre part, Madame la Rectrice, à accorder des renouvellements exceptionnels aux assistant·es qui en ont fait la demande pour des raisons liées à la crise sanitaire (à l’exception de celles et ceux qui auraient été hospitalisé·es). Les conditions prévues par le texte coordonné des dispositions relatives à la carrière du corps scientifique et du corps académique concernant le renouvellement exceptionnel des assistant·es indiquent pourtant qu’un « événement indépendant de la volonté du doctorant, imprévisible et insurmontable qui l’a empêché de terminer sa thèse dans les délais» peut donner lieu à un renouvellement exceptionnel. Or, cette définition est la parfaite description de la situation créée par la crise de la COVID-19, mêmepour les assistant·es qui n’ont pas eu le malheur d’être personnellement infecté·es. Des universités comme l’UCLouvain, l’UMons, et l’Université Saint-Louis ont déjà annoncé qu’elles prendraient en compte cette crise pour les renouvellements exceptionnelsde leurs assistant·es. Nous attendons que l’ULB se positionne dans le même sens, conformément à l’esprit de l’arrêté royal et au texte coordonné. En tout état de cause, nous n’accepterons pas que vous vous retranchiez –comme nous avons pu l’entendre en délégation syndicale –derrière les prétendus «abus de renouvellement» du passé pour justifier une position politique injuste à l’égard des assistant·es qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour assurer la continuité pédagogique l’année dernière et cette année encore.

L’urgence est de plus en plus pressante chez les membres du corps scientifique qui sont aujourd’hui en attente d’être rassurés quant à leur possibilité de finir leur thèse ou leur recherche dans des conditions décentes.

En attente d’un retour de votre part sur ces trois points, nous vous prions d’agréer, Madame la Rectrice, l’expression de nos sentiments distingués.

Pour le comité de la CGSP Enseignement-recherche,

Aline Bingen

Présidente