Introduction
Sensibilisation aux problèmes de souffrance au travail et de harcèlement au sein de l’Université libre de Bruxelles
L’université est loin d’être toujours un espace de travail respectueux de tous les travailleurs et travailleuses. Elle est caractérisée par une diversité de statuts des personnes (académiques, scientifiques ou PATGS). La multitude de relations de travail qu’elle occasionne et l’insuffisance des règles permettant d’encadrer les rapports hiérarchiques et de collaborations engendrent de nombreuses situations d’incertitude, de harcèlement ou de traitements arbitraires et, avec elles, leur lot de souffrance au travail. Ces situations sont accentuées par la surcharge structurelle de travail liée au sous-encadrement dans l’enseignement supérieur ainsi que par la précarité et la compétitivité qui structurent le champ de la recherche.
Face à la recrudescence du nombre d’interpellations individuelles ou collectives de ses affilié.e.s, la CGSP ER a, depuis 2018, placé au cœur de ses revendications la mise en place des procédures permettant d’apporter une réponse aux abus de pouvoir et pratiques de harcèlement existant à l’Université, mais également la mise en place d’un vaste plan de prévention des risques professionnels susceptibles d’éviter, en amont, que ces dérives ne se produisent.
Dans ce cadre, nous organisons un événement intitulé « Comment l’université broie les (jeunes) chercheur·es. Une rencontre avec Adèle Combes (@Vies_de_these) » le vendredi 6 mai 2022 à 15h au K3.201 au campus du Solbosch. Adèle Combes, chercheuse française, décrit dans son ouvrage « Comment l’université broie les jeunes chercheurs » la précarité, le harcèlement et la culture du silence qui règnent dans le système universitaire français (podcast France Culture). Ses constats résonnent avec les situations des doctorant·es, et plus largement des travailleurs/euses, de l’ULB et figurent au premier rang des préoccupations de la CGSP ER. La présentation sera suivie d’un moment d’échange avec la salle. L’événement se clôturera par un drink. Nous espérons vous voir nombreux et nombreuses pour échanger sur nos conditions de travail et les leviers d’actions pour les améliorer ! Nous avons également publié le manuel de survie des chercheuses et chercheurs de l’ULB afin de questionner le fonctionnement actuel de l’université, de vous informer et de proposer des pistes d’actions.
Au niveau étudiant, des témoignages de harcèlement dans différentes universités du pays ont récemment faits la une de l’actualité. Dans notre université, ces cas sont traités par le Centre d’accompagnement et de soutien dans les risques de harcèlement envers les étudiant·es (CASH-e), une structure récemment mise sur pied par l’ULB. Néanmoins, les procédures proposées actuellement pour le suivi des dossiers nous paraissent problématiques, offrent peu de garanties en terme d’indépendance vis à vis des autorités et de protection des personnes concernées. Dès lors, la CGSP-ER propose d’étendre aux étudiant·es les mécanismes déjà en place pour le personnel de l’université dans le cadre de la loi sur le bien-être au travail (voir « S’informer »).
Des tendances structurelles rendent la carrière des femmes à l’université plus compliquée que celles de leurs collègues masculins. Les politiques d’excellence pénalisent en effet particulièrement les femmes, en imposant pour être compétitives sur le marché de la recherche, des séjours à l’étranger et une charge démesurée de travail, d’autant plus forte que l’université est sous-financée. Ces exigences sont particulièrement difficiles à combiner avec la maternité et avec le travail domestique que notre société fait encore reposer essentiellement sur les femmes. Par ailleurs, l’organisation du travail, marqué par des relations de hiérarchie et de dépendance fortes (notamment à l’égard du promoteur), met les chercheuses dans une position particulièrement vulnérable face au harcèlement (entre autres sexuel) de leurs supérieurs.
Dès l’entame d’un parcours scientifique, on comprend que ce qui est valorisé dans les commissions évaluant les candidatures pour les emplois, promotions ou financements universitaires, c’est l’importance (quantitative) de sa production scientifique. En raison de la concurrence entre scientifiques combinée à la survalorisation de la recherche par rapport à l’enseignement dans l’évaluation des carrières, enseignement et recherche ne coexistent pas de manière féconde. L’enseignement est parfois considéré comme un travail dont il faut limiter l’investissement en temps, pour éviter qu’il empiète trop sur la productivité scientifique.
À l’ULB, le nettoyage est sous-traité à une entreprise extérieure. Ceci dédouane l’ULB des conditions de travail du personnel de nettoyage. Alors, pour les travailleurs et travailleuses (majoritairement des femmes) qui nettoient tous les jours nos bureaux, nos salles de classe et nos toilettes, l’ULB est un « client ». Elles n’ont pas droit aux mêmes conditions de travail que les employés de l’ULB comme l’accès à la crèche. Ensuite, elles n’ont pas le droit de faire leurs pauses dans les réfectoires des services et encore moins d’utiliser les infrastructures comme les machines à café, ni même prendre un verre d’eau (avec le verre et l’évier du « client »). Elles sont également soumises à toute chaîne de contrôle : responsable de l’entreprise de sous-traitance, brigadier et même des contrôles externes. Les « brigadiers » sont engagés par l’ULB pour contrôler que le travail soit bien réalisé, mais il arrive que ces derniers sortent de leur rôle et en viennent à contrôler le rythme de travail lui-même comme lorsque l’un d’eux à dit à une travailleuse : « On vous paye pour nettoyer, pas pour boire du café ».
Du fait de la rareté de l’offre d’emploi, relativement à la demande, la carrière scientifique ressemble à un enchaînement de concours et d’épreuves compétitives. Un des critères prédominants dans l’évaluation est la productivité en termes de publication (à côté de la dimension internationale de la carrière). Le niveau de production à atteindre pour gagner la compétition n’étant fixé que relativement au niveau de production que les concurrent.e.s peuvent atteindre, celui-ci est potentiellement illimité : il n’a d’autre limite que le temps que le ou la chercheur/euse peut y consacrer. Le temps de travail mord alors fréquemment sur le temps hors travail, prix à payer pour atteindre la productivité requise et rester dans le monde universitaire : il est par exemple tout à fait fréquent que les scientifiques écrivent pendant leur temps libre, les soirées ou les week-ends.
Comme sur les enseignant·es, la surcharge de travail liée au sous-encadrement structurel de l’enseignement supérieur pèse sur les agent‧es administratifs. Plutôt que d’augmenter le cadre à hauteur des besoins, les autorités augmentent la pression sur les corps administratifs pour gérer des dossiers de plus en plus nombreux. Les procédures administratives sont de plus en plus nombreuses et complexes.
À l’université, l’enseignement est dévalorisé par rapport à la recherche. Dès que l’on commence un parcours scientifique, on comprend que la chose principale qui compte pour le continuer est l’importance (davantage quantitative que qualitative) de sa production scientifique. Ce n’est pratiquement que cela qui est valorisé dans les commissions qui évaluent les candidatures pour les emplois, promotions ou financements universitaires. Par conséquent, du fait de la concurrence entre scientifiques, combinée à la survalorisation de la recherche par rapport à l’enseignement dans l’évaluation des carrières, l’enseignement et la recherche ne coexistent pas de manière féconde, comme on pourrait l’espérer ; au contraire, l’enseignement est parfois considéré comme un travail dont il faut limiter l’investissement en temps, pour éviter qu’il empiète trop sur la productivité scientifique.
S’informer
Si vous êtes dans une situation de souffrance au travail, l’ULB a mis en place les procédures légales vous permettant de déposer une plainte individuelle. En cas de plainte formelle, le conseiller en prévention (CPAP), qui est indépendant des autorités, doit rendre un avis au maximum dans les six mois qui suivent l’acceptation de la demande (contact : aspects-psychosociaux@erasme.ulb.ac.be). Au plus tard deux mois après avoir reçu l’avis, l’université doit alors communiquer sa décision quant aux suites à donner à la demande. Vous êtes protégé·e contre le licenciement durant toute cette procédure, dont le suivi est notamment réalisé par le Comité pour la protection et la prévention au travail (CPPT) où la CGSP ER est présente. Nous pouvons vous accompagner dans toutes les étapes de ce processus.
Il est également possible de réaliser une analyse de risques psychosociaux collective via une procédure interne à l’ULB. Une telle demande peut être faite par la CGSP ER car elle siège au CPPT.
Agissez
Nos actions
Suite à nos interpellations en délégation syndicale, nous avons obtenu :
- une révision du règlement de travail des membres du corps académique et scientifique : une section du règlement du travail relative à la prévention des risques psychosociaux au travail dont la violence et le harcèlement moral ou sexuel au travail a été votée en Conseil d’entreprise ;
- que le département RH clarifie les statuts, les rôles et les lignes hiérarchiques entre académiques et scientifiques, comme première étape d’une amélioration des conditions de travail des membres du personnel ;
- que les autorités s’engagent dans la mise en place d’un plan global de prévention des risques psychosociaux à l’échelle de l’université, en revendiquant la prise en compte de l’analyse pointue des « contextes locaux de travail » (les modalités de répartition du travail étant différents d’une discipline et d’une faculté à l’autre, mais aussi d’un centre de recherche à l’autre).
Nos revendications
Une communication active de l’université pour informer l’ensemble du personnel sur la souffrance au travail et sur les services de prévention chargés d’y remédier qui sont à leur disposition. En particulier, assurer l’information de l’ensemble des doctorant·es et des post-doctorant·es sur ces sujets.
Un renforcement du cadre dédié aux services de prévention à la hauteur des ambitions affichées de notre université pour le bien-être des travailleurs et travailleuses et des étudiant·es, afin de permettre le suivi rapide des situations de souffrance au travail et faciliter l’application des décisions et sanctions adaptées.
Une création massive de postes pour faire face à l’augmentation constante du nombre d’étudiant·es, pour assurer une recherche et un enseignement de qualité et offrir des perspectives d’avenir à nos jeunes chercheurs et chercheuses.
Former les membres du corps académique à la gestion du personnel et de projets. Cette formation étant obligatoire pour tou·te·s les promoteurs de thèse.
Encadrer et améliorer le statut des jeunes chercheurs et chercheuses, afin que tous et toutes puissent bénéficier de droits sociaux et d’une rémunération suffisante, en mettant sur pied un organe de contrôle où les syndicats sont représentés. En particulier, nous demandons une définition claire des conditions de travail des boursier·ères impliqué·es dans l’encadrement des étudiant·es (charge horaire plafonnée, uniquement sur base volontaire et avec un lien avec le travail de thèse) et une amélioration du statut des assistants chargés d’exercice (AEX). Les assistant·es chargé·es d’exercice (AEX) sont de plus en plus nombreux·ses au sein de l’Université. Il convient de limiter le nombre d’engagement d’AEX par rapport aux d’assistant·es à temps plein au cadre de l’Université tout en améliorant le statut des AEX. Nous demanderons que le recours à des AEX soit encadré et que leur charge soit plus précisément définie (notamment une meilleure prise en compte des heures de préparation). Nous demanderons également qu’une échelle barémique soit mise en place pour les AEX et qu’un accès à des locaux leur soit garanti pour réaliser leur travail.
Réguler les rapports hiérarchiques et agir contre la souffrance au travail
La souffrance au travail est une préoccupation insuffisamment prise en compte par l’Université comme le démontrent les nombreux cas individuels qui sont suivis par les organisations syndicales. Afin de mieux prendre en charge les problèmes de souffrance au travail, nous veillerons à garantir la mise en oeuvre effective d’une clarification des lignes hiérarchiques au sein de l’institution pour l’ensemble des membres du personnel ainsi que la mise en place de procédures claires et efficaces pour prendre en charge et accompagner les membres du personnel concerné·es.
Témoignez
- Les cas de harcèlement et de souffrance au travail ont été nombreux, et en augmentation, ces dernières années à l’ULB. Cependant la plupart des situations problématiques ne sont probablement pas signalées.
- Si vous êtes victime de harcèlement, si vous avez connaissance de cas, témoignez !
- En montrant le caractère structurel du problème, vous donnerez plus de poids aux revendications de la CGSP.